Il
n’était pas faux de voir dans le mouvement des agriculteurs un
mouvement social européen, comme on l’a souvent entendu, mais il
fallait surtout y reconnaître une révolte antieuropéiste
généralisée. Les événements sont venus confirmer cette
impression : c’est à Bruxelles que le gouvernement français a dû
se rendre pour négocier des concessions pour ses agriculteurs, comme
s’il n’était plus qu’un syndicat des intérêts nationaux dans
le cadre européen, sur lequel il fallait faire pression. Le vrai
pouvoir, pour une fois, s’exposait, et s’exposait même
fièrement, surplombant les peuples, les nations, les États.
Il
faut toutefois définir correctement l’européisme. L’européisme
n’est pas la civilisation européenne, ni même la construction
européenne, mais une idéologie empruntant à l’europe son nom
tout en ayant peu à voir avec elle. L’européisme est d’abord un
intégrationnisme continental sans fin, dans la mesure où la
construction européenne ne doit jamais cesser, et s’étendre sans
cesse, comme en témoigne la tentation toujours renaissante d’y
associer de nouveaux États, comme en témoigne aussi le désir de
multiplier les accords de libre-échange à la grandeur du monde,
l’européisme semblant ici se confondre avec un mondialisme ne
disant pas son nom, comme en témoigne aussi son immigrationnisme
forcené. L’UE se présente comme le moteur de l’unification
mondiale et doit broyer les nations particulières qui ne consentent
pas à s’y dissoudre – elles sont alors accusées de verser dans
l’égoïsme national. Elles ne trouveront une certaine grandeur
morale qu’en abdiquant leur souveraineté – généralement en
renonçant à la règle de l’unanimité au niveau communautaire.
